Nathanaëlle HERBELIN

Née en Israël en 1989 - Vit à Paris et Tel Aviv

La peinture est préparée avec les techniques anciennes héritées de l’art de la fresque. C’est ainsi qu’affleure la beauté, sur une surface âpre mais douce, habitée de mémoire, de la mémoire d’instants livrés dans une sensualité qui ne cherche pas à rendre compte du monde mais à en souligner l’enchantement. Une fenêtre se reflète dans le miroir ovale de la salle de bain baignée d’une clarté d’aube grise ; la lumière directe parvenue depuis un soleil dévoilé depuis l’Est a empesé le rideau d’une texture rugueuse, amidonnée, identique à la matière des pigments mêlés de poudre de marbre des fresques du XIVe siècle. Contrairement à la clarté que l’on voudrait leur accorder, les souvenirs ont souvent la compacité d’une paroi dont la texture se révèle à la fois opaque et friable, impénétrable et disposée à la plus grande transparence. Nos souvenirs ressemblent un peu à la parcelle d’un mur qu’un peintre aurait enduit d’un apprêt de chaux humide mêlée à du marbre finement pilé avant de brosser les traits d’une fresque. C’est ainsi que nos souvenirs s’installent, fixés tels des tatouages de la même façon que s’incorporent les particules de pigments dans la chaux humide au contact de l’air. Comme les tatouages, nos souvenirs s’impriment et expriment nos existences ; ils se manifestent comme une résurgence souterraine avec laquelle notre présent doit se résoudre à composer, avec bonheur et nostalgie, parfois dans les regrets ou la commémoration. Le tableau s’intitule La Fenêtre mais ne montre que la réflexion de l’embrasure dans la glace, révélant le thème véritable de la peinture : la réverbération, le surgissement éphémère, le souvenir dont le tatouage éphémère s’est déjà dissipé, chancelant entre l’image et l’estompe de sensations dispersées, nourries par les instants apaisés de la lumière matinale.

 

Jean-Charles Vergne